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Santé, Cadre de vie

Santé & urbanisme : renouveler les quartiers, prendre soin de ceux qui y vivent

Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les habitants sont souvent en situation plus précaire qu’ailleurs… et leur santé, aussi.
Une double peine qui n’a rien d’inexorable. C’est du moins la conviction de l’ANRU qui s’attache aujourd’hui à renforcer et à accélérer la prise en compte des enjeux de santé dans le NPNRU.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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Obésité, asthme, troubles psychiques, exposition aux substances nocives ou aux effets du changement climatique, perte d’autonomie… Tous ces sujets sont autant d’enjeux de santé publique de premier plan, mais ce n’est pas leur seul point commun. En effet, ils sont tous étroitement conditionnés par des facteurs environnementaux liés à l’état des milieux dans lesquels nous évoluons et à notre cadre de vie (habitat, conditions de travail, aménagement du territoire, transports, équipements, services publics…). Conjugués à nos comportements et à notre contexte socio-économique, ces facteurs environnementaux influent sur notre santé physique et mentale, d’ailleurs bien plus que notre patrimoine génétique ou notre système de soins, indique Alice Collet, responsable du pôle cohésion sociale et urbaine de l’ANRU.

En moins de 15 minutes de RER d'écart, l'espérance de vie d'un habitant chute de six années

Et dans les quartiers prioritaires, force est de constater quecette équation est loin d’être positive. Dans une large part des 480 quartiers du NPNRU, les difficultés socio-économiques s’accompagnent d’inégalités sanitaires importantes, poursuit Alice Collet. On y recense ainsi plus de maladies associées à la pauvreté, comme le diabète ou les pathologies respiratoires. Ils subissent aussi une pollution souvent plus élevée qu’ailleurs et une exposition aux effets du changement climatique plus importante, avec des phénomènes d’îlots de chaleur urbains plus fréquents. De même, on observe dans les QPV une double peine en matière d’accès aux soins, avec d’une part un renoncement plus fréquent lié à la faiblesse des revenus, et d’autre part une offre de praticiens globalement moins dense et variée, qu’il s’agisse des médecins généralistes ou de spécialistes libéraux, ajoute Alice Collet. Un seul chiffre, soulevé par le géographe Emmanuel Vigneron dans une enquête datant d’une dizaine d’années, suffit à comprendre l’ampleur de l’injustice : en moins de 15 minutes de RER, l’espérance de vie chute de six années, entre un habitant du VIe arrondissement de Paris et un habitant du Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis.

Les quartiers de la politique de la ville souffrent d’une offre de services de santé et d’accueil de la petite enfance nettement insuffisante. D’après une étude récente, 86 % de ces quartiers ne disposent d’aucune structure de soins coordonnés. Par ailleurs, seul un quartier prioritaire sur trois dispose d’un établissement d’accueil de jeunes enfants. Dispositif de financement en fonds propres de l’État dans le cadre du plan d’investissement France 2030, le Fonds de co-investissement de l’ANRU entend contribuer à faire reculer ces inégalités.

Plus d'une centaine d'établissements seront financés
Pour ce faire, il développe avec un consortium d’investisseurs privés des véhicules d’investissement dédiés inédits. À travers ces derniers, les partenaires ambitionnent de financer et de faire construire, dans les cinq prochaines années, entre 40 et 50 centres de santé polyvalents à but non lucratif et une centaine d’établissements d’accueil de jeunes enfants supplémentaires dans les QPV.

Un partenariat avec l’Agence Régionale de Santé

Quand la ville dysfonctionne, ses habitants vont moins bien… Mais à l’inverse, les améliorations qu’on apporte à la ville peuvent-elles bénéficier à la santé de ceux qui y vivent ? C’est en tout cas la conviction de l’ANRU et d’un nombre croissant d’acteurs du renouvellement urbain. En 2017, nous nous sommes associés à l’Agence régionale de santé d’Île-de-France à travers un protocole de coopération expérimental (voir encadré) qui visait à renforcer la prise en compte des questions de santé dans les projets franciliens du NPNRU, précise Alice Collet. Le groupe de travail ANRU+s’est également saisi de ce sujet et ses travauxont mis en évidence l’importance d’une prise en compte globale de la santé. Quand on pense “améliorer la santé et le bien-être”, le premier réflexe est de chercher à renforcer l’offre de soins. C’est effectivement capital, mais ça n’est pas suffisant. Il est nécessaire d’agir sur l’ensemble des “déterminants de santé” et à toutes les échelles d’intervention d’un projet de renouvellement urbain, via une démarche globale d’urbanisme favorable à la santé, en travaillant sur les logements, les espaces, les équipements publics et privés, la promotion de modes de vie sains, l’accès aux services et à une alimentation saine et variée… L’action doit être suivie durant l’ensemble des phases du projet : du diagnostic à la gestion du quartier renouvelé sans oublier la phase chantier qui a des impacts non négligeables sur le bien-être des habitants et des riverains.

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Santé et urbanisme : notre dossier

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Vers un premier « Quartier à santé positive »

Dans les territoires, cette approche se diffuse progressivement, avec de premières réalisations très intéressantes. On voit par exemple se déployer des équipements scolaires « zéro perturbateur endocrinien » comme à Dunkerque, ou une « colline acoustique » à Lille, qui protégera le quartier Concorde des nuisances sonores tout en accueillant des activités d’agriculture urbaine et des unités de production d’énergies renouvelables. Cette initiative lilloise entre dans le cadre du projet ambitieux dénommé « Quartier à santé positive ». Pour notre part, nous finançons la création ou restructuration de structures d’offres de soins par exemple, mais aussi des études d’Évaluation d’impact sur la santé (EIS) ou d’Urbanisme favorable à la santé (UFS), indique Alice Collet. Nous encourageons aussi les porteurs de projets de renouvellement urbain à intégrer les acteurs territoriaux de la santé dans la gouvernance des projets et, plus généralement, nous faisons entendre notre voix pour que cette question devienne un réflexe et un levier du renouvellement urbain.

Lire le témoignage de Luc Ginot, directeur de la santé publique à l'Agence Régionale de Santé d'Île-de-France

En Île-de-France, les inégalités de santé sont particulièrement marquées, avec des écarts considérables, supérieurs aux autres régions européennes. Nous savons par ailleurs que ces inégalités de santé sont en partie déterminées par des logiques de territoires mais aussi par la problématique de l’habitat, qu’il soit indigne, surpeuplé, enclavé… C’est pour répondre à ces constats que nous avons engagé un partenariat avec l’ANRU il y a six ans. Ensemble, nous sommes convaincus que, pour réduire les écarts de santé entre les quartiers, il faut agir à la fois sur le système de soins, souvent défaillant, mais aussi sur toutes les dimensions urbaines, alimentation, exercice physique, sécurité, nuisances… Dans un premier temps, notre collaboration s’est concentrée sur la définition d’objectifs communs et le partage de méthodes. Avec la démarche “Quartiers Résilients”, elle devrait entrer dans une phase plus opérationnelle, avec l’ambition d’améliorer la santé des habitants et l’image des quartiers pour convaincre les professionnels de santé de s’y installer.

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