En Villes : Pourquoi vous être intéressés à la question du vieillissement dans les quartiers populaires ?
Yann Lasnier : Parce que c’est un angle mort. On associe spontanément l’isolement des personnes âgées à la grande ruralité, à la montagne ou aux villages reculés. Mais cette réalité existe aussi dans les quartiers prioritaires, où la population vieillit à grande vitesse. C’est un phénomène très peu repéré, pour une raison simple : la plupart des acteurs de ces territoires viennent de l’action sociale ou socio-éducative, donc naturellement orientés vers l’enfance, la jeunesse, la famille. La question de l’âge demeure un impensé.
Comment expliquez-vous ce décalage entre la réalité du terrain et la perception des acteurs ?
On est resté avec un vieux logiciel, celui du parcours résidentiel ascendant : on démarrait dans le parc social, puis on accédait à la propriété. Or ce modèle ne correspond plus à la réalité. Beaucoup de locataires âgés n’ont jamais quitté leur logement social et ils y vieillissent sans accompagnement.
Qu’est-ce qui caractérise aujourd’hui la situation des aînés dans ces quartiers ?
Ils subissent une triple peine : le vieillissement et ses effets physiques, la pauvreté matérielle et l’isolement social. Deux millions de personnes de plus de 60 ans vivent sous le seuil de pauvreté, et la situation est encore plus marquée dans les QPV. Ces habitants sont souvent paisibles, discrets, ils paient leur loyer et ne posent pas de problèmes, mais ils souffrent d’un manque de considération et d’un environnement peu adapté : logements mal conçus, ascenseurs en panne, trottoirs abîmés, disparition des commerces et des services.
La question de l'âge demeure un impensé
Que font les Petits Frères des Pauvres face à ces constats ?
Nous testons plusieurs dispositifs en lien avec les bailleurs sociaux. À Paris, par exemple, nous avons mis en place des permanences solidaires qui sont à la fois des espaces de convivialité et un point de repérage social. Nous travaillons aussi avec l’AFEV sur des projets intergénérationnels, autour des colocations étudiantes solidaires, les KAPS. L’idée est de mettre en place des écosystèmes bienveillants, peu coûteux, qui recréent du lien.
Quelles sont selon vous les priorités à mettre en œuvre ?
Il faut traiter la question du vieillissement au même titre que celles de la jeunesse ou de la famille. Les élus locaux doivent la prendre à bras-le-corps : c’est un enjeu d’urbanisme, de transport, de culture, de lien social. Nous proposons un plan Marshall pour rénover les résidences autonomie, un plan de lutte contre les pannes d’ascenseurs, des rendez-vous systématiques avec un ergothérapeute à partir de 65 ans, et la revalorisation du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté.
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