En Villes : Que veut dire être vieux aujourd’hui ?
Serge Guérin : Ça ne veut pas dire la même chose selon que l’on se place du côté des institutions ou des premiers concernés. Les institutions continuent de classer les gens par tranches d’âge rigides : on est administrativement vieux à 65 ans. Mais pour chacun d’entre nous, c’est une autre histoire ! L’âge est un concept relatif, culturel et évolutif : un septuagénaire d’aujourd’hui n’a rien à voir avec son grand-père.
Il ne s'agit pas de pousser les seniors à s'engager, mais de leur permettre de rester présents, de participer à la vie du quartier comme ils le souhaitent
Quel regard la société porte-t-elle sur le virage démographique qui nous attend ?
Plus qu’un regard, je crois qu’il y a un refus de voir la réalité en face. Nous vivons dans le déni de l’explosion démographique qui arrive. Le consensus gériatrique considère que l’entrée dans le grand âge commence désormais autour de 85 ans : c’est là que les risques cognitifs et les vulnérabilités augmentent fortement. Or, à partir de 2031, les générations du baby-boom vont atteindre cet âge, et ce flux massif va durer vingt- cinq ans. Et je peux vous le dire dès à présent : nous ne sommes pas prêts !
Qu’en est-il dans les quartiers populaires ?
Là aussi, j’observe une forme de déni. On se focalise encore beaucoup sur la jeunesse des quartiers populaires alors qu’aujourd’hui 35 % des résidents en HLM sont des seniors. Pourtant, et alors même que l’EHPAD est parfois le premier employeur local, on a du mal à penser l’adaptation des villes aux enjeux liés à cette reconfiguration de la population.
Repenser nos villes pour les seniors, d’accord… Mais par où commencer ?
Certains leviers d’adaptation sont bien connus : adapter les logements et rendre la ville plus accessible. Cela passe par plus de toilettes publiques, plus d’assises, des feux tricolores revus pour permettre des traversées plus lentes… Un autre chantier décisif concerne l’offre de santé, mais c’est un sacré défi, car les maisons de santé ont bien du mal à recruter des médecins.
Vous évoquez aussi un changement de posture ?
Il faut arrêter de vouloir changer la ville pour les vieux mais il faut le faire avec eux. Ne pas les considérer comme des bénéficiaires mais comme des experts d’un espace public qu’ils connaissent mieux que les actifs. Penser à l’accessibilité mais aussi à leur donner une place dans la société, où ils peuvent contribuer et être utiles. Il ne s’agit pas de les pousser à « s’engager », mais de leur permettre de rester présents, de donner un coup de main, de participer à la vie du quartier comme ils le souhaitent. Forums associatifs, animations locales, entraide de voisinage, universités du temps libre… Il faut miser sur tout ce qui permet de continuer à « faire pays », pour reprendre la belle expression de l’écrivain Patrick Chamoiseau.
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