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Espace seniors, quartier des Dervallières à Nantes. © Nantes Métropole

Cadre de vie, Santé

Bien vieillir dans les quartiers : place aux solutions

Face au défi du vieillissement de la population qui touche également les quartiers prioritaires, collectivités, bailleurs, associations et acteurs du renouvellement urbain expérimentent de nouvelles manières de faire du vieillissement un levier d’inclusion et non un facteur d’exclusion.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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C’était prévisible : le temps passant, le baby-boom de l’après-guerre se transforme mécaniquement en papy-boom. En 2040, plus d’un habitant sur quatre aura plus de 65 ans et, en 2060, 10 % de la population aura plus de 80 ans. La France vieillit partout, dans les quartiers prioritaires comme ailleurs. Si les moins de 25 ans y sont plus présents qu’ailleurs (39,1 %, contre 29,9 % au niveau national), la part des plus de 60 ans a augmenté dans les QPV de 1,7 point entre 2010 et 2016, ce qui n’est pas le cas des autres classes d’âge. 

« On a encore trop souvent tendance à penser les QPV comme des territoires jeunes, mais la réalité évolue : la part des 15-24 ans recule tandis que celle des 60 ans et plus progresse fortement, renchérit Alicia Zaccaria, chargée de mission Aménagement à l’ANRU. Et l’expérience de l’avancée en âge n’y est pas la même qu’ailleurs. L’état de santé des habitants est en moyenne moins bon, la perte d’autonomie plus précoce, l’offre de santé moins dense, les mobilités plus contraintes, les logements peu adaptés, les services publics et les commerces moins accessibles, les liens sociaux plus distendus. » Comme le résumait brutalement un article du Monde paru en août 2025 : « Rien, dans les cités, n’a été conçu pour les personnes âgées. »

La notion de personne âgée dépend étroitement du contexte. Le vieillissement est un processus progressif et individuel lié aux conditions matérielles de vie, à la qualité des liens sociaux mais aussi au patrimoine génétique de chacun. L’OMS a d’ailleurs proposé récemment de tenir compte de l’espérance de vie attendue à la naissance. Il importe en effet de dépasser les catégories d’âge et d’articuler deux approches : une conception universelle qui améliore le cadre de vie de tous, et des adaptations ciblées pour préserver l’autonomie de chacun.

Vers des quartiers inclusifs 

Face aux défis démographiques qui s’annoncent, la question de l’adaptation des quartiers au vieillissement n’est plus un enjeu marginal, mais un impératif social et urbain. Alors, quels leviers actionner ? Il n’y a pas de solution miracle. C’est l’ensemble du cadre de vie et des services qu’il faut repenser, dans toutes leurs dimensions : bâti, ressenti, espace, équipements publics… C’est précisément cette approche globale que l’ANRU a intégrée dans le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) : « L’adaptation au vieillissement dans les quartiers prioritaires est davantage prise en compte qu’elle ne l’était dans le précédent programme : logements adaptés, accès aux soins, services et commerces de proximité, espaces publics repensés, soutien aux structures solidaires et intergénérationnelles font partie des objectifs majeurs », souligne Anne-Claire Mialot, directrice générale de l’ANRU. 

L’habitat inclusif est un habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale. Il est destiné aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, partageant des espaces de vie commune et des services avec les autres habitants.

On a encore trop souvent tendance à penser les QPV comme des territoires jeunes, mais la réalité évolue : la part des 15-24 ans recule tandis que celle des 60 ans et plus progresse fortement

Partout en France, de nombreux acteurs d’horizons différents déploient, à leur échelle, de nouvelles manières de penser la ville à hauteur d’aînés. La ville de Sevran articule plusieurs initiatives dans le cadre de la démarche « Quartiers Inclusifs » lancée par le département de la Seine-Saint-Denis. L’enjeu : s’appuyer sur le programme de renouvellement urbain pour intégrer les enjeux liés à la perte d’autonomie. La réhabilitation d’un foyer en résidence pour personnes âgées a été l’occasion d’autres interventions, comme la mise en place d’une maison médicale, des cheminements retravaillés, mais aussi la création de 14 logements adaptés, dont 10 labellisés inclusifs.

Un tiers-lieu participatif pensé pour répondre aux besoins de tous les résidents du quartier, quel que soit leur âge, complète ces interventions. Financé pour partie par l’ANRU, ce projet est porté par le bailleur social Vilogia, l’association de services à la personne Vitalliance et la Méta pour l’ingénierie sociale.

"En Île-de-France, le vieillissement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville appelle une approche opérationnelle, coordonnée et territorialisée. L’ARS Île-de-France agit avec les collectivités, les professionnels de santé et les acteurs associatifs pour garantir la continuité des parcours de soins et la diversification des solutions proposées. Cela se traduit notamment par la structuration des Services Autonomie à Domicile (SAD) et le déploiement des Centres de Ressources Territoriaux (CRT) pour appuyer les professionnels locaux et proposer un accompagnement renforcé à domicile, en alternative à l’entrée en établissement. Ces actions s’inscrivent en complémentarité avec des dispositifs des dispositifs de repérage des fragilités, des projets de résidences intergénérationnelles ou encore des lieux d’accueil partagés permettent de maintenir le lien social et de prévenir la perte d’autonomie. Cette approche systémique, qui relie santé, habitat, cadre de vie et inclusion, vise à faire de la ville un espace où l’on peut bien vieillir, quel que soit son quartier."

Stéphanie Talbot – Directrice de l’Autonomie – ARS Île-de-France

À Pau, dans le quartier Saragosse où 14 % de la population a plus de 75 ans, 140 logements – soit 10 % du parc réhabilité dans le cadre du NPNRU – ont fait l’objet d’une « suradaptation » destinée à anticiper les difficultés rencontrées par les personnes vieillissantes dans leur environnement quotidien. Au programme : une accessibilité et des cheminements facilités dans les parties communes – en particulier les halls – et dans le logement, des parcours nocturnes éclairés, des volets roulants automatisés… 

Les espaces publics ont également été reconfigurés pour répondre aux usages des personnes âgées, avec la volonté affichée de faciliter leurs sorties pour préserver leur mobilité et leurs liens sociaux. « Le mobilier urbain, par exemple, a été conçu pour favoriser les rencontres et les discussions, ajoute Alicia Zaccaria. Des bancs avec appuis ischiatiques, permettant de se reposer en restant debout, offrent des pauses bienvenues pendant les promenades à ceux qui auraient du mal à se relever. » 

Les personnes âgées peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique lorsqu’elles sont concernées par le relogement dans le cadre du NPNRU : obtention d’un logement adapté à proximité de services essentiels (commerces, professionnels de santé…) sans rupture sociale.

Faire du grand âge un levier de vitalité 

Parallèlement à ces interventions concrètes, d’autres acteurs font évoluer les représentations et les idées reçues sur le vieillissement. C’est le cas notamment du Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés (RFVAA) qui accompagne les collectivités face au défi démographique. « Dans nos sociétés, le grand âge est vu comme une perte de capacité et un coût, et pas comme un levier de vitalité pour la société, indique Pierre-Olivier Lefebvre, délégué général de l’association. Partant de ce constat, nous promouvons une démarche qui s’appuie sur l’expertise d’usage des habitants âgés pour construire des plans d’actions qui bénéficieront in fine à tout le monde, puisqu’une ville plus sûre, plus confortable et plus accessible pour les vieux est une ville plus sûre, plus confortable et plus accessible pour l’ensemble de la population ! » 

Affilié au programme international de l’OMS, le réseau accompagne aujourd’hui près d’une centaine de collectivités françaises dans cette transition. À travers ses cinq engagements et ses 110 critères, le label « Ville amie des aînés » invite à dépasser la logique médico- sociale pour aborder le vieillissement comme un enjeu global : urbanisme, logement, mobilité, numérique, lien social, culture, service et économie locale. L’approche permet aussi de considérer les ressources que les personnes âgées apportent à la vie locale (bénévolat, réseaux d’échanges de savoirs, etc.). Une manière d’ancrer durablement le sujet dans les politiques publiques… et de redonner toute leur place aux habitants âgés dans la fabrique de la ville.

Bien vieillir dans les quartiers : notre dossier spécial

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