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Cadre de vie, Concertation

Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain : nos exemples d'urbanisme transitoire & éphémère

Les démarches d’urbanisme transitoire et éphémère sont une pièce essentielle des projets mis en place dans le cadre du Nouveau Programme
National de Renouvellement Urbain. Friches, dents creuses, espaces non occupés jouent pleinement leur rôle dans le renforcement de l’ambition des projets par le retour d’expérience. Découvrez nos exemples ci-dessous.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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Aménagements urbains, coworking solidaire, mobilier urbain et fonctionnel, démarches artistiques... Les projets de renouvellement urbain portés par l’ANRU sont synonymes de changement, mais aussi d’initiatives pérennes et prospectives qui dessinent les contours du futur quartier, expérimentent la renaturation, de nouveaux services de proximité, une disposition repensée du mobilier urbain et de la signalétique.

Un levier essentiel de la réussite de la gestion urbaine de proximité

Découvrez comment ces processus sont mis en œuvre dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et en quoi ils constituent un levier essentiel de la réussite de la gestion urbaine de proximité, du renouvellement et du renforcement des méthodes d’association entre habitants, usagers et partenaires.

En Seine-Saint-Denis

Renaturation, économie circulaire... Est Ensemble investit les «délaissés urbains»

Situé en Seine-Saint-Denis, l’établissement public territorial (EPT) Est Ensemble est constitué de neuf villes, totalisant 415 000 habitants environ : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré- Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le- Sec, Pantin, Romainville. C’est un territoire en pleine mutation comportant 12 projets de renouvellement urbain, suscitant de nombreuses opérations d’aménagement, de démolition et de reconstruction.

L’urbanisme transitoire implique le déploiement d’une vaste dynamique partenariale
En 2015, Est Ensemble a décidé de tirer parti des friches générées par ces travaux en misant sur une politique volontariste d’urbanisme transitoire. Pour ce faire, l’EPT a choisi de mettre en place une démarche structurée. Aujourd’hui soutenue par le dispositif ANRU+, celle-ci repose en partie sur des moyens dédiés à l’identification et à la connaissance des sites vacants susceptibles de faire l’objet d’une occupation temporaire. C’est indispensable pour assurer la bonne adéquation entre le projet et le lieu qui va l’accueillir, souligne Delphine Gemon, responsable du pôle Écologie urbaine à Est Ensemble. Nous avons également choisi de faire de la problématique de l’urbanisme transitoire une véritable priorité stratégique, c’est pourquoi une conseillère territoriale dédiée aux occupations temporaires et aux tiers-lieux a été désignée. L’urbanisme transitoire implique le déploiement d’une vaste dynamique partenariale impliquant villes, aménageurs, bailleurs, l’EPF d’Île-de-France, car nous sommes persuadés que c’est avant tout une discipline collective !  

Mais les principaux rouages de cette démarche, ce sont les appels à manifestation d’intérêt (AMI) TempO’ consacrés aux friches et autres délaissés urbains du territoire. Plusieurs sessions de cet AMI se sont succédé depuis 2015. Au départ, nous ouvrions un AMI par espace vacant en demandant à qui le souhaitait de nous proposer des occupations adaptées. Depuis 2019, nous sommes également ouverts à des projets au stade de démarrage et déjà dotés de leur propre site, dans la mesure où le propriétaire et la ville concernée ont donné leurs accords et où l’initiative s’inscrit dans l’un de nos trois axes prioritaires : renaturation, développement culturel en quartier prioritaire de la politique de la ville et économie circulaire.

Un nouvel Appel à manifestation d'intérêt est en réflexion
Pour l’heure, le dispositif TempO’ a permis à environ 35 initiatives de voir le jour, dont une quinzaine implantées en quartiers NPNRU. L’association On Sème Tous est de celles-ci. Située dans le quartier de La Noue à Montreuil, elle porte un projet visant à préfigurer une ferme urbaine qui est par ailleurs lauréat de l’appel à projets « Quartiers fertiles » de l’ANRU. Sur un tout autre registre, je voudrais également évoquer le projet porté par l’Atelier des artistes en exil qui se traduira prochainement par la création de lieux de travail pour artistes dans trois logements et un local en pied d’immeuble situés sur la dalle Thorez dans le quartier des Malassis à Bagnolet, poursuit Delphine Gemon. Les artistes en résidence seront conviés à tisser des liens avec les différents publics du territoire, ce qui permettra d’enrichir l’animation culturelle du quartier en complémentarité de l’action du Conservatoire de musique et danse qui est lui-même implanté sur la dalle. À Est Ensemble, la dynamique du transitoire ne semble pas près de ralentir puisqu’un nouvel AMI doté d’un budget de 400 000 euros pour quatre ans est en cours de réflexion.

À Marseille

Des aménagements urbains pour mieux trouver son chemin

Construite au début des années 1970 dans le XIe arrondissement de Marseille, la cité Air Bel comporte 1 200 logements sociaux, répartis sur quatre tours et de petits immeubles organisés sur une trame hexagonale. Le quartier est surnommé le « labyrinthe » par les riverains tant l’orientation y est difficile : espaces publics peu lisibles, entrées dissimulées, circulations intérieures marquées par une succession de porches et d’escaliers. Air Bel est par ailleurs enserré entre de forts dénivelés et le talus artificiel de la ligne SNCF Marseille- Toulon comme coupé de la ville malgré une desserte de transports en commun satisfaisante.

Après un long travail de dialogue et de coconstruction avec les habitants, le quartier a récemment engagé sa mue dans le cadre du NPNRU. Le programme d’action porté par la Métropole Aix-Marseille-Provence et la Ville de Marseille prévoit notamment une intervention sur l’ensemble du bâti pour diversifier l’offre, la création de nouveaux équipements publics et l’amélioration de l’intégration urbaine. Les premiers travaux de démolition ont eu lieu en 2022, mais la transformation d’Air Bel a été amorcée il y a quatre ans avec un vaste projet d’urbanisme transitoire développé par le collectif Cabanon Vertical en collaboration étroite avec les habitants.

Les habitants ont demandé et obtenu le maintien des équipements jusqu'aux chantiersL’enjeu : requalifier plusieurs sites et espaces du quartier à travers des installations urbaines comprenant assises, tables, transats, espaces de jeux, dispositifs d’orientation et d’information. Baptisée Dédale, cette opération a permis d’aménager cinq sites et plusieurs zones intermédiaires ont été valorisées (mises en peinture, éclairage) de manière à donner vie à un nouveau cheminement au sein du quartier. Très satisfaits du projet, les habitants ont demandé et obtenu le maintien des équipements jusqu’au démarrage des premiers chantiers. De nouveaux aménagements transitoires sont d’ores et déjà prévus à l’emplacement de trois petites

À Bondy

Un coworking solidaire au banc d’essai

À Bondy (93), le projet de renouvellement urbain du quartier des Merisiers prévoit la démolition prochaine d’une barre de 132 logements gérés par le bailleur Immobilière 3 F. Ce dernier a décidé de profiter de cette étape pour accueillir un projet de coworking solidaire. Initié à l’automne 2019 au cours de discussions avec l’intercommunalité Est Ensemble, celui-ci a finalement vu le jour à l’automne 2021 avec le soutien de l’ANRU via le programme ANRU + et dans le cadre de plusieurs conventions associant Est Ensemble, I3F et l’association Mon Premier Bureau, porteuse du projet.

Un lieu de travail adapté aux besoins des créateurs d'entreprise pour un coût symbolique
L’objectif principal de cette initiative était de permettre à des personnes – prioritairement en recherche d’emploi ou en reconversion professionnelle – souhaitant créer leur entreprise d’accéder à un lieu de travail adapté à leurs besoins pour un coût symbolique de 1 € par jour. Dans cette optique, deux appartements de l’immeuble ont été retenus par les partenaires et mis à la disposition de l’association à titre gracieux pour accueillir six postes de travail équipés dans l’un, et d’un espace de stockage dans l’autre. D’octobre 2021 à juillet 2022, l’espace de coworking solidaire des Merisiers a accueilli une quinzaine de personnes, dont 55 % de femmes. Près de deux tiers d’entre elles étaient originaires de Seine-Saint-Denis, dont une large proportion de Bondynois. Parmi eux, une styliste de mode, mais aussi des entreprises spécialisées dans le marketing digital, le recrutement ou le soutien à l’entrepreneuriat féminin.

Quelques mois après la fermeture de l’espace de coworking solidaire, le bilan de cette expérimentation se révèle largement positif. La formule souple et accessible proposée par Mon Premier Bureau a été plébiscitée par l’ensemble des parties prenantes. Plusieurs axes d’amélioration ont cependant été identifiés tels que l’articulation du programme à la temporalité d’un projet de renouvellement urbain ou la coordination des différents partenaires. Mon Premier Bureau et ses coworkers sont actuellement à la recherche de nouveaux locaux. Immobilière 3F envisage, pour sa part, de renouveler ce type d’expérience quand l’occasion se présentera.

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Urbanisme transitoire & éphèmere : notre dossier

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À Villiers-le-Bel

Du mobilier urbain égalitaire

La ville de Villiers-le-Bel place la lutte contre les inégalités de genre au cœur de ses priorités. Soutenue par le Programme d’investissements d’avenir « Ville durable et solidaire », la commune de 27 000 habitants est aujourd’hui reconnue comme une pionnière de l’approche égalitaire de la fabrique de la ville. La requalification des quartiers Puits-la-Marlière et Derrière-les-Murs-de-Monseigneur au titre du NPNRU a offert un nouveau terrain d’action.

Trois projets transitoires ont ainsi été mis en œuvre pour permettre l’expérimentation de nouveaux usages. Coconçus et coconstruits avec les habitants des quartiers, les aménagements reposent sur du mobilier urbain éphémère et mobile. Chaque site permettra d’objectiver les changements produits en matière d’égalité femmes-hommes avant d’être éventuellement pérennisé. Le budget global alloué à ces expérimentations se situe entre 300 000 euros et 400 000 euros HT.

À Lille

Yourte, parking à trottinettes et jardins temporaires

La Métropole européenne de Lille (MEL) regroupe 95 communes et pas moins de 26 quartiers relevant de la politique de la ville. Son Nouveau Programme de Renouvellement Urbain vise 13 sites dans lesquels 2 millions d’euros seront investis au total. Pour que chacun de ces projets contribue activement au rééquilibrage et au développement du territoire, la MEL a choisi de mettre en place des programmes de gestion à l’échelle de chacun des sites en demandant aux responsables des 13 projets de renouvellement urbain d’identifier des thématiques prioritaires et des actions spécifiques sur lesquelles les maîtres d’ouvrage devront s’engager.

L’enjeu : améliorer la gestion et le fonctionnement des quartiers à toutes les étapes de leur transformation. L’une des thématiques qui ressort le plus dans les projets de gestion du NPNRU est celle de la gestion transitoire, sachant que plusieurs sites vont connaître de grandes phrases de démolition générant beaucoup d’espaces vacants. En 2021, face à cette situation, la MEL a lancé une expérimentation sur trois ans dans le cadre du contrat de ville ; elle a pris la forme d’un Appel à manifestation d’intérêt portant sur les six secteurs qui vont rester le plus longtemps en friche.

Des projets lauréats avec une belle variété
Financés par la MEL à hauteur de 10 000 euros d’investissements et 5 000 euros de fonctionnement chacun, les projets lauréats présentent une belle variété puisqu’on y trouve des jardins temporaires accueillant des animations autour des légumes (à Lomme et à Wattrelos), un parking aménagé en espace « micromobilité » dédié aux vélos et trottinettes (à Loos) et une kerterre à Roubaix, une « yourte » bretonne en chaux et paille – construite par des jeunes du quartier et devenue depuis un tiers-lieu prônant des valeurs sociales et écologiques.

Si cette expérimentation a validé le bien-fondé des stratégies de gestion transitoire, elle a aussi livré de nombreux enseignement sur les freins à lever pour ce type d’opération, aux premiers rangs desquels figurent la complexité administrative pour la signature des conventions d’occupation temporaire, les difficultés à maintenir une animation dans la durée ou encore la réticence de certains élus qui ont du mal à envisager l’après des projets et qui souhaitent disposer de solutions de repli pour pérenniser le service expérimenté en cas de succès.

Dans les Hauts-de-France

De la friche à la prairie en fleurs

Comme les onze autres établissements publics fonciers d’État, l’EPF Hauts-de-France a pour mission principale d’acquérir des terrains qui serviront, ensuite, à la construction de logements, d’activités, de services ou d’équipements publics. Pour un temps donné, il gère ce foncier en démolissant le bâti existant éventuel et/ ou en dépolluant les sols afin de le vendre « prêt à l’emploi » à une collectivité ou à l’opérateur que celle-ci a mandaté. C’est ce que l’EPF Hauts-de-France a fait avec le site de l’ancienne filature de Saint-Liévin à Wattrelos, acquis en 2007 pour le compte de la Métropole européenne de Lille dans la perspective d’y créer un nouveau quartier mixant logements et activités.

Mais entre la libération d’un terrain et le début de son aménagement, il peut se passer de nombreuses années d’études et de démarches administratives, sept ans dans le cas de l’ancienne filature. Pour une friche industrielle, sept ans, c’est largement suffisant pour se transformer en paradis pour les espèces végétales exotiques ou les espèces protégées que l’aménageur doit ensuite gérer via des dispositions « ERC » (Éviter, Réduire, Compenser) coûteuses et chronophages.

Une opération qui a tenu ses promesses pour le cadre de vie et la biodiversité
Pour éviter cela, l’EPF Hauts-de-France a choisi de procéder à un verdissement contrôlé du site. C’est ainsi qu’une grande prairie fleurie s’est progressivement développée sur le terrain vacant, composée de variétés choisies pour leurs qualités florifères, leur faible croissance et pour l’abri qu’elles offrent aux invertébrés, notamment aux pollinisateurs sauvages. Malgré quelques contraintes liées à la temporalité – les périodes de disponibilité du site ne sont pas toujours propices à la germination –, cette opération a tenu ses promesses avec des bénéfices pour la biodiversité, la résilience au changement climatique, les coûts liés à l’entretien du terrain, le cadre de vie et l’acceptabilité.

Saluée par un « prix du Génie écologique » en 2018, l’initiative n’est pas restée isolée : la quasi-totalité des friches que l’EPF Hauts-de-France possède sont aujourd’hui transformées en prairies fleuries et d’autres EPF s’intéressent de près à la démarche.

À Abbeville

Art et mémoire à tous les étages

Début 2022, les habitants d’Abbeville ont dit adieu à l’immeuble Tilleuls, détruit dans le cadre du projet de renouvellement urbain du quartier Soleil-Levant. Mais les murs grignotés peu à peu par la pelleteuse hydraulique ont révélé un panorama intérieur très différent des tapisseries, peintures et carrelages habituels. Ici, c’était œuvres d’art à tous les étages, dans presque toutes les pièces.

L'initiative a attiré plus de 20.000 visiteurs
L’explication ? Pendant trois mois fin 2020 l’immeuble désaffecté a accueilli 65 artistes français et européens invités par la Ville d’Abbeville dans le cadre du musée temporaire Transition dédié au graffiti et à l’art contemporain. Destinée à valoriser le quartier du Soleil-Levant et ses habitants – leurs photos ornaient les cages d’escalier – tout en positionnant la préfecture de la Somme comme haut lieu des cultures urbaines, l’initiative a attiré plus de 20 000 visiteurs à l’été 2021. Si sa coquille est désormais retournée à la poussière, le musée éphémère se visite toujours en 3D sur le site "Transition éphémère". www.transition- espace-ephemere.com.

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