En aparté

Moussa Camara, de l'association Les Déterminés : "Dans les quartiers populaires, le potentiel de talent est énorme"

Entrepreneur autodidacte, président-fondateur de l’association Les Déterminés il accompagne les jeunes entrepreneurs des quartiers populaires
et territoires ruraux. Moussa Camara, originaire de Cergy, nous partage son parcours.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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Comment a débuté votre vie professionnelle et associative ?

Moussa Camara : J’ai commencé par des jobs d’été et de l’intérim avant de me lancer dans l’entrepreneuriat à l’âge de 21 ans, en 2007. J’ai créé mon entreprise de télécommunications sans pour autant avoir des bases dans l’entrepreneuriat ou un accompagnement. Cela m’a permis d’apprendre et de développer de nombreuses compétences. En parallèle, j’ai créé l’association «Agir Pour Réussir» (AGPR) à Cergy, dont l’objectif était de créer du lien entre les habitants, promouvoir la citoyenneté, et accompagner les jeunes dans leur insertion professionnelle. Cette association existe toujours, même si je l’ai quittée en 2018.

Mon engagement associatif vient directement de mon vécu. J'ai voulu agir pour améliorer la vie des habitants tant au niveau social qu'économique

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans l’associatif ?

Je suis originaire de la Croix-Petit à Cergy, un quartier qui a été l’un des premiers à bénéficier d’un projet de rénovation dans le cadre de l’ANRU. Mon engagement associatif vient directement de mon vécu. Ce quartier a longtemps manqué de politiques adaptées, et j’ai voulu agir pour améliorer la vie des habitants tant au niveau social qu’économique.

Vous avez créé l’association « Les Déterminés » en 2015, quel a été l’élément déclencheur ?

Il y en a eu plusieurs. C’est d’abord en voyant les difficultés de mon quartier que j’ai décidé de m’investir pour aider les jeunes à s’émanciper et à réussir d’un point de vue social et économique. En tant qu’entrepreneur, j’ai réalisé que je n’étais pas dans un écosystème favorable pour se lancer. J’ai dû surmonter de nombreux obstacles, et j’aurais sans doute fait moins d’erreurs si j’avais eu accès à des ressources, un réseau et à un accompagnement. À l’époque, le fait de créer son entreprise, ou sa micro-entreprise n’était pas aussi répandu alors qu’il y avait un réel besoin et pas d’opportunités. Puis, j’ai été repéré par une organisation américaine qui m’a permis de faire un stage de trois mois aux États-Unis. Là-bas, j’ai découvert comment utiliser le levier économique pour avoir un impact social. Cette expérience m’a ouvert les yeux sur l’importance d’accompagner de jeunes entrepreneurs, notamment dans les quartiers populaires. À mon retour, j’ai décidé de créer l’association « Les Déterminés », en m’inspirant de ce que j’avais appris.

Pourquoi avoir appelé votre association « Les Déterminés » ?

La détermination est ce qui représente l’envie de s’en sortir, d’aller de l’avant et de réussir malgré les difficultés. Ce nom résonnait avec ce que nous voulions porter. Dès le début, j’étais entouré d’une équipe avec des parcours divers, apportant chacun leur expertise et savoir-faire. Ce nom reflète bien l’état d’esprit de l’association... et ma personnalité.

Quelle est l’ambition des Déterminés, et que proposez-vous ?

L’ambition est simple : aider les entrepreneurs locaux à se lancer, en leur offrant les opportunités qui m’avaient manqué quand j’ai démarré. Nous avons trois programmes phares. Le premier est axé sur l’accompagnement des entrepreneurs, de la conception du business plan en passant par le premier euro de chiffre d’affaires jusqu’à l’aboutissement de leur projet. Ce programme, d’une durée de six mois, est gratuit et s’adresse à une vingtaine d’entrepreneurs sélectionnés. Il est dispensé par des professionnels de l’entrepreneuriat, du marketing, de la finance... Ensuite, nous avons un programme dédié à l’employabilité, qui accompagne des jeunes pour trouver un emploi dans un secteur qui les passionne, comme l’hôtellerie, la restauration ou encore le digital, en partenariat avec de grandes entreprises. Nous avons également développé un réseau, le Club des Déterminés, qui regroupe les anciens entrepreneurs passés par nos programmes. Ce dernier permet de rester en lien avec eux, de les soutenir dans la durée et d’apporter un réseau aux nouvelles promotions

Comment avez-vous réussi à dupliquer le modèle des Déterminés dans d’autres villes ?

Nous avons commencé par peaufiner notre programme en Île-de-France, en nous assurant qu’il fonctionne bien à petite échelle avant de l’étendre. Le programme a ensuite été dupliqué dans d’autres territoires en s’associant avec des acteurs locaux. Ces derniers pilotent le projet localement, ce qui permet d’être au plus proche des besoins des entrepreneurs. Cela reste un défi, car toutes les villes ne sont pas Paris, et il faut parfois adapter notre approche à des écosystèmes économiques très différents.

Presque dix ans après la création des « Déterminés », quel est le bilan ?

Le bilan est très positif. Aujourd’hui, nous sommes présents dans près de 20 villes en France, et nous accompagnons plus d’un millier de personnes chaque année sur le volet entrepreneurial. 900 entreprises ont été créées. Ensemble, elles ont généré plus de 36 millions d’euros de chiffre d’affaires et créé plus de 2 300 emplois.

Comment envisagez-vous l’avenir des Déterminés ?

L’association doit continuer de grandir et s’épandre. Il y a encore énormément de besoins à satisfaire, notamment dans les quartiers populaires où le potentiel de talent est énorme. Nous avons beaucoup de candidatures, mais malheureusement, nous ne pouvons pas accompagner tout le monde. Il y a aussi un enjeu d’insertion professionnelle et d’employabilité, avec de nombreuses entreprises qui ont du mal à recruter. Il reste encore énormément de travail à faire, et nous comptons bien continuer à jouer un rôle dans cet écosystème.

Avez-vous un message à faire passer à ceux qui veulent se lancer ? 

La détermination et l’ouverture d’esprit sont des clés de réussite. Que ce soit dans l’entrepreneuriat ou dans la vie quotidienne, c’est cette force qui permet de surmonter les obstacles et d’atteindre ses objectifs. Avec Les Déterminés, nous voulons transmettre cette détermination à ceux qui en ont besoin, pour qu’ils puissent, eux aussi, réussir. 

Que pensez-vous de la rénovation urbaine dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? 

Je pense que toutes les initiatives visant à désenclaver les quartiers sont positives, à condition qu’elles soient menées en concertation avec les habitants. La création de l’ANRU est une bonne chose, mais elle reste limitée par rapport aux besoins. La transformation des quartiers doit aussi permettre de maintenir les loyers accessibles pour les habitants historiques, afin qu’ils ne soient pas forcés de quitter leur lieu d’habitation. Il est important de se rappeler que la rénovation doit aussi être humaine, pas seulement urbaine.

Lien vers le site Internet del'association Les Déterminésfondée par Moussa Camara, qui est présente dans près de 20 villes en France et accompagne plus d'un millier d'entrepreneurs.

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