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© Laurent Kronental

En aparté

Cinq regards d’artistes sur le renouvellement urbain : découvrez l'exposition !

Alors que l’impact du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) est déjà visible sur l'ensemble du territoire français, nous avons voulu poser un regard artistique et original sur ces quartiers et leurs habitants. À travers l'exposition inédite "Vies de quartiers", cinq photographes nous livrent leur vision de douze quartiers en renouvellement urbain représentatifs de la diversité des territoires concernés.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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Loin des représentations persistantes et figées dans l’imaginaire collectif, c’est la force de l’existence qui définit les quartiers : des lieux vivants et en pleine transformation. Nous avons demandé à cinq photographes de s’immerger dans douze quartiers en renouvellement urbain représentatifs de la diversité des territoires concernés par ce programme.

Avec enthousiasme et conviction, ils se sont prêtés à une carte blanche pour cette exposition nommée "Vies de quartiers". Les artistes nous présentent leur travail et reviennent sur cette expérience au cœur des quartiers, mais aussi sur l'envers du décor de la réalisation de leurs images. 

L'ensemble des photos réalisées par les cinq photographes est présentée depuis le 7 juillet 2022 dans les nouveaux locaux de l'ANRU à Pantin.

Laurent Kronental : "Retrouver la trace de l'utopie que les grands ensembles ont portée."

Retrouvezdans le magazine En Villes n°7 en format original les photos réalisées ci-dessous par l'artiste pour l'exposition Vie de quartiers. 

INTERVIEW
Vous êtes photographe d’architecture, spécialiste des grands ensembles urbains. Qu’est-ce qui vous attire dans ces territoires ? Laurent Kronental : Avec leur foisonnement d’expressions architecturales, les espaces métropolitains me fascinent depuis plus de dix ans. Je leur ai consacré de longues séries pour explorer notamment les effets du temps qui passe sur les lieux, comme sur les personnes qui les habitent. Enfin, j’essaie toujours d’y retrouver la trace de l’utopie que ces grands ensembles ont un temps portée avant d’être stigmatisés par les médias. Dans ces quartiers marginalisés, il y a toujours eu au départ le rêve d’un logement enfin digne et d’un vivre-ensemble idéal.

Quelle a été votre approche au cours de cette mission ?
L.K. : Je me suis concentré sur trois quartiers de banlieue parisienne : les Lochères à Sarcelles, la Cité de l’Abreuvoir à Bobigny et les Pyramides d’Evry- Courcouronnes. J’ai eu envie de magnifier leur beauté avec des lumières douces et des perspectives qui flattent les volumes. J’ai choisi délibérément de les rendre intemporels, en trouvant des cadrages qui excluaient les voitures.

Quel quartier vous a le plus marqué ?
L.K. : Ce sont des quartiers que je connais tous très bien, que j’aime pour leur caractère et leur charme spécifique. À Sarcelles, j’apprécie le plan très orthogonal rythmé par de hautes tours. La Cité de l’Abreuvoir, au contraire, est tout en rondeurs et en sinuosité ; elle est très représentative du travail d’Émile Alliaud qui me captive. Enfin, je me laisse à chaque fois cueillir par le gigantisme des Pyramides qui me font penser aux grandes cités mayas. Les volumes sont très imbriqués mais si on observe bien, on s’aperçoit que chaque appartement dispose de sa propre terrasse. C’est très loin de l’idée qu’on se fait d’une banlieue uniforme et monotone.


BIO
Laurent Kronental est né à Paris en 1987. Il réalise de 2011 à 2015 sa première série artistique, Souvenir d’un Futur, sur les personnes âgées vivant dans les grands ensembles de la région parisienne. De 2015 à 2017, il mène un deuxième projet personnel intitulé «Les Yeux des Tours» explorant cette fois-ci l’intérieur d’un grand ensemble, celui des Tours Aillaud à Nanterre.

www.laurentkronental.com
Instagram : laurentkronental

Yohanne Lamoulère : "Originaire de Nîmes, j'ai voulu voir comment le quartier avait changé."

Retrouvezdans le magazine En Villes n°7 en format original les photos réalisées ci-dessous par l'artiste pour l'exposition Vie de quartiers. 

INTERVIEW
Dans quel état d’esprit avez-vous participé à ce projet ?

Yohanne Lamoulère : En tant que photographe, je suis spécialisée dans les portraits, je ne fais pas du tout d’architecture ou d’urbanisme. C’est pourquoi j’ai vraiment essayé d’aller à la rencontre des habitants et des élèves de l’école et je me suis concentrée sur eux, plus que sur l’architecture.

Qu’est-ce qui vous a marquée au cours de vos reportages ?
Y.L. : Je suis originaire de Nîmes, je connais bien le quartier du Mas de Mingue et ça m’intéressait d’y retourner plusieurs années après. La nouvelle école Jean-d’Ormesson est vraiment très réussie, c’est un équipement de très grande qualité. Le fait d’avoir une médiathèque, un plateau sportif sur le même site est un vrai plus. À la Mosson, j’ai été impressionnée par le dispositif d’agriculture indoor, installé dans d’anciens parkings. Dans les quartiers, il est très fréquent de faire venir des artistes pour des projets culturels. C’est plus rare de voir des scientifiques et je trouve que c’est une idée vraiment très intéressante.

BIO
Yohanne Lamoulère naît à Nîmes en 1980. Diplômée de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles en 2004 après une adolescence passée aux Comores, elle vit et travaille à Marseille. Membre du collectif Tendance Floue, ses thèmes de prédilection sont la périphérie des villes et l’insularité dans ce qu’elle a de protéiforme. Elle publie Faux Bourgs aux éditions Le Bec en l’air en 2018, compilation de son travail sur la ville de Marseille.

www.yohannelamoulere.fr
Instagram : yohannelamoulere

Fabien Dendiével : "C'est d'abord le calme qui m'a surpris."

Retrouvezdans le magazine En Villes n°7 en format original les photos réalisées ci-dessous par l'artiste pour l'exposition Vie de quartiers. 

INTERVIEW
Dans quel état d’esprit avez-vous mené cette mission photographique ?
Fabien Dendiével : Je suis parti sans trop savoir à quoi m’attendre. Je devais photographier deux quartiers : l’Empalot à Toulouse et Saragosse à Pau. Je réalise régulièrement des photos d’architecture alors que je savais qu’il me faudrait chercher la meilleure lumière et les perspectives les plus intéressantes pour valoriser au mieux les édifices. Mais je dois avouer que je craignais de rencontrer plus de difficultés que dans les lieux plutôt privilégiés où je pose d’habitude mon trépied.

Et finalement ?
F.D. : J’ai trouvé les deux territoires inspirants du point de vue graphique et en m’y promenant, j’ai révisé mes idées reçues sur les quartiers prioritaires. C’est d’abord le calme qui m’a surpris, loin de l’agitation que j’anticipais. J’ai aussi trouvé des espaces dégagés, harmonieux et arborés, moins minéraux que prévu. Arrivé dans la matinée, je suis finalement resté jusqu’au soir pour ne rien rater, d’autant plus volontiers que les lumières du couchant sont plus intéressantes que la lumière de pleine journée.

Avez-vous eu l’occasion de discuter avec des habitants ?
F.D. : À Toulouse comme à Pau, j’ai multiplié les rencontres. Les gens avec qui j’ai parlé étaient pour la plupart fiers de leur quartier et attachés à son histoire. J’ai échangé avec des retraités qui habitaient là depuis de nombreuses décennies et j’ai senti qu’ils étaient toujours heureux d’y vivre. Globalement, les habitants semblent satisfaits des travaux qui ont été menés, pas seulement parce qu’ils ont rendu leur environnement plus beau, mais aussi parce que les aménagements ont favorisé le lien social.

BIO
Fabien Dendiével naît à Paris : enfant solitaire, il s’occupe en dessinant minutieusement des panoramas urbains futuristes et rejoint l’école du Louvre. En parallèle, son père l’initie à la photographie argentique et Fabien se forme en autodidacte. Sa pratique s’intensifie lorsqu’il passe au moyen et grand format, maîtrisant au plus près la lumière et le cadre de son sujet. Que ce soient les grands espaces de l’Ouest américain ou de l’architecture moderne, il traite la composition de sa prise de vue comme le plan d’un film, attendant que la lumière en révèle le meilleur.

www.fabiendendievel.com
Instagram : fabiendendievel

François Prost : "Je voulais photographier les quartiers, mais aussi les gens qui y vivent."

Retrouvezdans le magazine En Villes n°7 l'ensemble des photos réalisées ci-dessous par l'artiste pour l'exposition Vie de quartiers. Elles y sont présentées dans leur format d'origine. 

INTERVIEW
Dans quel état d’esprit avez-vous abordé cette mission photographique ?
François Prost : Je voulais photographier les quartiers, mais aussi les gens qui vivent dedans. On dépeint souvent des lieux brutaux, sans âme ; je suis pour ma part persuadé que ces territoires sont riches de toutes les histoires individuelles de leurs habitants. C’est avant tout à ces vies et à la mémoire collective des quartiers que je voulais rendre hommage avec mes images.

Quel regard portez-vous sur le renouvellement urbain à l’issue de cette campagne ?
F. P. : J’ai pu prendre conscience de la diversité des situations. Chaque quartier a ses spécificités, ses forces, ses difficultés et les programmes de renouvellement urbain doivent en tenir compte. Dans certains quartiers, les gens que j’ai rencontrés témoignent du fait que les travaux engagés ont réellement eu un impact positif sur leur quotidien.

Sur les six quartiers que vous avez photographiés, lesquels vous ont le plus marqué ?
F.P. : Pour sa dimension esthétique, je retiendrai Val-de-Reuil, avec son urbanisme très horizontal et aéré, qui me fait penser un peu aux États-Unis des années 50. J’ai été aussi très intéressé par la Tarentaize à Saint-Étienne, qui ne correspond pas à l’image que je me faisais d’une zone prioritaire. C’est un quartier ancien, très mixte, vivant et ouvert sur le monde. J’y ai d’ailleurs fait de très belles rencontres.

BIO
Francois Prost est un photographe et graphiste parisien, né à Lyon en 1980. Il est reconnu pour son travail de séries photographiques en forme d’inventaire, parcourant tantôt la France pour documenter les façades de discothèques, tantôt l’Amérique pour ses façades de gunshops et de clubs de striptease, ou encore la Chine pour ses répliques troublantes avec les villes patrimoniales européennes.

www.francoisprost.com
Instagram : francoisprost

Ludmilla Cerveny : "Partout, j'ai été très bien reçue."

Retrouvezdans le magazine En Villes n°7 en format original les photos réalisées ci-dessous par l'artiste pour l'exposition Vie de quartiers. 

INTERVIEW
Dans quel état d’esprit avez-vous participé à ce projet ?
Ludmilla Cerveny : Je réalise beaucoup de portraits, mais pour des projets personnels. Cela a donc été un vrai challenge pour moi d’aller à la rencontre des habitants, de passer du temps avec eux pour qu’ils se prêtent au jeu du portrait. Je suis entrée en contact avec des personnes qui ont joué le rôle de médiateur. Puis j’ai passé du temps dans chaque quartier, environ une journée pour chacun.

Comment se sont passés les reportages ?
L.C. : Partout, j’ai toujours été très bien reçue. À la cité Reuss de Strasbourg, j’ai passé du temps avec une jeune femme médiatrice au centre social qui m’a beaucoup touchée. Aux Écrivains, j’ai passé du temps avec un groupe de femmes qui se retrouvent très régulièrement au centre social et culturel du quartier. Elles sont un peu les yeux et les oreilles du quartier, si bien que beaucoup les appellent « les daronnes ». À la fin de l’après-midi, elles m’appelaient « ma fille » et me faisaient des bisous. Moi qui suis une illustre inconnue.

Qu’est-ce qui vous a le plus marquée ?
L.C. : J’ai rencontré beaucoup de femmes et je m’aperçois qu’elles ont souvent un rôle très structurant dans leur quartier. J’ai également constaté l’importance des lieux de rencontre comme un jardin partagé, un centre social, un centre culturel. Ce sont des lieux de vie très appréciés des habitants.

BIO
Ludmilla Cerveny est artiste, photographe, architecte de formation. Elle vit à Lunéville et travaille dans le Grand-Est. Elle partage son temps entre commandes de reportages pour des architectes, ateliers artistiques pour différents publics et projets personnels qui font l’objet d’expositions et d’éditions. A ces occasions, elle utilise des procédés photographiques ante-numériques et numériques, de la cartographie, des maquettes ou du dessin. Ses thèmes de prédilection tournent autour de l’espace et du vivant : de la question du paysage au rapport nature-culture en passant par la maison et l’habiter.

ludmillacerveny.com

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