Agrandir l’image
Maraîchage à la ferme permacole de Saint-Denis, Zone Sensible, lauréate de l'appel à projets Les Quartiers Fertiles. © Sylvain Gouraud

Quartiers Fertiles, Agriculture urbaine

Nature, nourriture et culture à Saint-Denis pour créer du lien entre les habitants

Dans la sous-préfecture de la Seine-Saint-Denis, la ferme Zone Sensible a été désignée lauréate de l’appel à projets Les Quartiers Fertiles. Ce lieu conjuguant nature, nourriture et culture a été créé en 2017 par le collectif artistique Parti poétique. Il est situé en plein cœur d’un quartier en renouvellement urbain.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

Publié le

Nous voilà sur le rond-point de l’Étoile de Saint-Denis, s’amuse Jean-Philip Lucas, chargé de développement au Parti poétique. Cette forme en étoile, c’est l’artiste Olivier Darné qui l’a imaginée. Vue des tours environnantes, les larges allées maraîchères se rejoignent toutes, et pourtant aucune n’est composée de la même manière. À droite, une grande variété de choux, à gauche des herbes aromatiques. Bienvenue à Zone sensible, le laboratoire à ciel ouvert du collectif artistique Parti poétique, situé à Saint-Denis. Installé depuis 2017 à l’emplacement de cette ancienne ferme maraîchère, le Parti poétique a littéralement transformé ce lieu.

Permaculture et paniers gratuits

Nous voulions que Zone sensible soit à l’image de Saint-Denis : un territoire de biodiversité culturelle et culinaire, représentatif des 135 nationalités qui s’y côtoient, explique Jean-Philip Lucas. Quatre ans plus tard, Zone sensible abrite une ferme urbaine biologique exemplaire, dédiée aux habitants de l’un des plus vastes quartiers de renouvellement urbain en France. Pourtant, le pari était risqué. Il y a encore quatre ans, ce terrain d’environ 1 hectare, préempté en 1983 par la mairie de Saint-Denis pour faire face à la pression du foncier, était exploité par un maraîcher. Mais en 2016, l’agriculteur a pris sa retraite.

Visitez la ferme en vidéo

La ville a donc lancé un appel à projets, remporté par le collectif Parti poétique et les Fermes de Gally, avec l’idée d’y poursuivre une activité d’agriculture urbaine. Bien loin cependant, des anciens modes production intensifs. À notre arrivée, il ne restait plus que deux vers de terre sur cette parcelle !, se souvient Jean-Philip Lucas. Afin de revitaliser le terrain, le collectif s’initie à la permaculture, avec l’intention de produire une alimentation saine pour les habitants du secteur.

Nous avons lancé une grande opération de distribution de légumes gratuits, avec onze structures d'aide alimentaire du département.

Cela représente, chaque année, entre cinq et six tonnes de produits alimentaires, destinées à trois types d’usage : la restauration, les paniers pour les particuliers et les cours de cuisine sur site. Mais la crise sanitaire a changé la donne :La précarité alimentaire s’est aggravée, explique Jean-Philip Lucas.Nous avons donc lancé une grande opération de distribution de légumes gratuits, avec onze structures d’aide alimentaire du département, à Saint-Denis, Stains, Pierrefitte-sur-Seine et Aubervilliers.  En tout, ce sont plus 4,4 tonnes de légumes qui ont été offerts aux habitants les plus modestes. 

Avec le chef Alain Ducasse

Au-delà de nourrir les habitants, l’agriculture urbaine est aussi un moyen de créer du lien. Au sein du Farm Club, le club de jardinage gratuit, les bénévoles peuvent ainsi aider à la récolte.

Parfois, cette activité révèle des vocations. Une habitante de Saint-Denis qui vivait dans la précarité a par exemple suivi une formation et des stages dans l’agriculture, se réjouit Jean-Philip Lucas. Le collectif a également initié le projet MIEUX !, une académie du vivant qui intégrera une école de cuisine avec le chef Alain Ducasse. Enfin, à l'horizon 2023, un centre de formation investira Zone sensible pour accueillir les jeunes du territoire. L’école de cuisine fonctionnera en circuit court avec les productions de la ferme.

Développer la solidarité et l'apprentissage

Expositions, théâtre mais aussi concerts… Zone sensible est aussi un poumon artistique et culturel en plein cœur d’un quartier en renouvellement urbain. S’il n’est ouvert au public que le samedi, l’espace souhaite rester gratuit pour continuer à être accessible à tous. Pour continuer de se développer, le collectif a répondu à l’appel à projets Les Quartiers fertiles de l’ANRU. On reste une petite association, souligne Jean-Philip Lucas. Nos financements ne permettent pas de concrétiser toutes nos idées. Mais nous avons été sélectionnés parmi les lauréats. Cela représente un réel coup de pouce pour développer notre campus de solidarité et d’apprentissage, tout en favorisant la gratuité des activités.

Laurent Monnet, adjoint au maire de Saint-Denis : Des circuits courts de la terre à la terre

Zone sensible est un emblème de ce que la ville et le territoire peuvent accomplir en matière de nature en ville, de transformation écologique et de démocratie alimentaire. À travers son projet d’« académie du vivant » avec Alain Ducasse, Zone sensible répond une fois de plus à l’ambition de la ville : proposer des circuits très courts de la terre à la terre, tout en favorisant une agriculture et une logistique vertueuses sur le plan écologique. À Saint-Denis, nous sommes fiers de voir des acteurs en avance sur les questions environnementales, tout en gardant ces liens forts de solidarité avec les habitants.