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Amsterdam, Copenhague, Glasgow... renouvellement urbain chez nos voisins européens

Écosse, Espagne, Pays-Bas et Danemark : à l'occasion de la présidence tournante de l'Union Européenne occupée par la France entre janvier et juin 2022, petit tour d'Europe des différences - mais aussi des convergences - des processus de reconstruction des villes sur elles-mêmes.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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Copenhague : un laboratoire du futur décarboné

Copenhague fait partie des rares métropoles pressenties pour atteindre la neutralité carbone avant 2050. Le quartier de Nordhavn est l’emblème de cet engagement. Il y a encore dix ans, c’était une triste friche industrielle désertée par les chantiers navals ; une verrue de 300 hectares que la municipalité a décidé de voir comme une opportunité. À terme, Nordhavn devrait accueillir 40 000 logements, autant d’espaces de travail ainsi que de nombreux commerces et équipements de proximité. Les premiers coups de pelle ont eu lieu en 2012 et les chantiers se succéderont jusqu’en 2050.

Architecturalement, le projet entend marquer les esprits avec des reconversions spectaculaires – d’anciens silos deviendront des bureaux –, un immeuble sphérique monumental et une omniprésence de l’eau dans le paysage urbain. Mais c’est surtout par sa dimension durable que Nordhavn veut se distinguer, avec un recours systématique aux matériaux recyclés, à l’énergie solaire, à la récupération des eaux de pluie et à une climatisation à l’eau de mer. Et tous les services et institutions devront être accessibles très rapidement afin de limiter l’usage de la voiture.

Les infrastructures de transports seront pour leur part exclusivement électriques, à commencer par la ligne de métro qui relie depuis 2020 Nordhavn au coeur de Copenhague. Un tel investissement dans le quartier a un coût, qui pour l’heure se répercute massivement sur le prix du logement dans une ville déjà chère. Mais les autorités locales affirment vouloir conjuguer mixité fonctionnelle et mixité sociale. Pour l’heure, une centaine de logements sociaux ont été livrés dans un immeuble qui accueille également une vingtaine d’appartements adaptés pour des personnes en situation de handicap…

Stock de logements : environ 2,7 millions
Logement social : 21 %
Logement locatif privé : 26 %
Propriétaires occupants : 49 %*

* Sources : L’État du Logement en Europe 2021
© Housing Europe, Union sociale pour l’habitat

Glasgow : quand l’art régénère la ville

Au milieu du XXe siècle, Glasgow entame une longue descente aux enfers, piégée par un déclin industriel inéluctable, une dégradation générale de l’habitat et l’apparition de problèmes structurels liés au chômage et à la pauvreté. Depuis les années 1980, des processus de régénération urbaine visent à faire de la grise écossaise un centre culturel et artistique dynamique. Quarante ans plus tard, même si tous les problèmes sont loin d’être réglés – un enfant sur trois vit encore en dessous du seuil de pauvreté –, la stratégie d’attractivité semble enfin fructueuse.

Le symbole de cette régénération, c’est sans doute City Centre Mural Trail, qui vise à financer la réalisation par des artistes locaux de fresques murales qui transforment la ville en galerie à ciel ouvert. Ces oeuvres participent pleinement au processus de régénération urbaine en valorisant le patrimoine immatériel de Glasgow – sa culture ouvrière, ses symboles, ses figures populaires – et en amenant un public nouveau à déambuler dans les rues. Lancé en 2014, le City Centre Mural Trail fait progressivement école dans toute la métropole, avec de nombreuses initiatives locales impliquant pour la plupart les citoyens.

Stock de logements : environ 808 000
Logement social : 24 %
Logement locatif privé : 15 %
Propriétaires occupants : 70 %*

* Sources : L’État du Logement en Europe 2021 © Housing Europe, Union sociale pour l’habitat

Barcelone : les habitants au cœur du projet 22@

En 2000, la ville de Barcelone décide de requalifier entièrement les zones industrielles de Poblenou pour créer un tout nouveau quartier baptisé 22@. Les anciens entrepôts et usines du XIXe siècle ont été transformés en bureaux et en ensembles d’habitations prestigieux, tandis que des immeubles aux silhouettes audacieuses accueillent géants du numérique, start-up et centres de recherche. Un quartier d’affaires de plus où seuls les plus riches ont droit de cité ? C’est le cas dans la partie méridionale du programme, lotie en premier.

Pour ne pas reproduire les mêmes erreurs sur la deuxième tranche, la municipalité a décidé en 2017 de rassembler les riverains, les universités et les entreprises locales pour réfléchir au développement de ce territoire de 80 hectares. Une centaine d’habitants ont ainsi participé à l’élaboration du « Pacte vers un Poblenou avec un 22@ inclusif et durable ». À la clé : plus de logements, de cohousing et d’espaces publics partagés avec, en prime, la promesse de maintenir l’héritage industriel et paysager du quartier.

La charte prévoit notamment la création de « supermanzanas » : des blocs d’îlots où la circulation automobile est limitée à 10 km/h, où les chaussées sont réduites au minimum et où les intersections sont transformées en places publiques. Parallèlement, la municipalité a décidé de suspendre les permis de construire et les changements d’activité des fonds de commerce avant chaque intervention urbanistique, pour faire en sorte que la création de valeur matérielle et immatérielle bénéficie d’abord et avant tout aux résidents.

Stock de logements : environ 26 millions
Logement social : 1,1 %
Logement locatif privé : 14 %
Propriétaires occupants : 76 %*

* Sources : L’État du Logement en Europe 2021 © Housing Europe, Union sociale pour l’habitat

Amsterdam : la mixité devint patrimoine à Bijlmermeer

Construit sur un polder du sud-est d’Amsterdam au début des années 1970, le quartier de Bijlmermeer doit incarner le modernisme à la néerlandaise avec une rigoureuse séparation des fonctions de la ville – vie, travail, loisir, circulation – et des extérieurs soignés. Pas moins de 40 000 logements sont répartis sur d’immenses barres de dix étages disposées en hexagones. Mais les jeunes ménages préfèrent les petites maisons mitoyennes qui sortent de terre par centaines au même moment… En 1975, le gouvernement offre des passeports aux ressortissants du Suriname désireux de s’installer aux Pays-Bas et qui investissent le quartier Bijlmermeer.

D’autres communautés suivent et bientôt le nouveau quartier est une mosaïque de nationalités – 150 à ce jour. Si toutes les cultures se côtoient sans heurts, elles restent à l’écart du reste d’Amsterdam. C’est là la malédiction de Bijlmermeer : peu de transports, peu d’équipements, et surtout peu d’attention envers les enfants qui y grandissent. Dans les années 1980, le taux de chômage des jeunes atteint 60 %, la criminalité augmente en flèche, et ceux qui le peuvent fuient.

Un accident comme électrochoc
Il faudra un accident dramatique pour que tout change. En 1992, un avion-cargo éventre un immeuble, tuant 39 habitants, tous d’origine étrangère. Pour la municipalité, c’est un électrochoc. Un gigantesque programme de rénovation urbaine voit le jour. Objectifs : ramener le turn-over annuel des habitants de 20 à 10 % et rabattre le taux de chômage sous la barre des 20 %. Pour ce faire, la ville emploie les grands moyens en détruisant près de la moitié des barres pour reconstruire des bâtiments plus modestes et des lotissements pavillonnaires.

Dans le même temps, de nombreux équipements sportifs, culturels et commerciaux à rayonnement national s’installent, irrigués par des infrastructures de transport densifiées et requalifiées. Enfin, les autorités locales décident d’embrasser pleinement la spécificité du « Bijlmer » en valorisant son foisonnement culturel mais aussi son patrimoine immobilier par tous les moyens possibles. Trente ans après la catastrophe, l’ancienne zone de relégation est devenue un lieu de résidence et de destination choisi qui parvient à éviter les pièges de la gentrification. Bon nombre d’anciens habitants sont même revenus vivre dans le quartier.

Stock de logements : environ 8 millions
Logement social : 29 %
Logement locatif privé : 13 %
Propriétaires occupants : 57 %*

* Sources : L’État du Logement en Europe 2021 © Housing Europe, Union sociale pour l’habitat

Le renouvellement urbain vu d'Europe : dossier spécial

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